ALGER- L’Algérie a les moyens pour passer le cap de la crise du marché pétrolier mondial, provoquée par la Covid-19, en opérant des réformes économiques portant notamment sur le développement de la SONATRACH et l’investissement dans les énergies renouvelables, a indiqué l’expert pétrolier international, Mourad Preure.
“L’Algérie a les moyens, humains mais aussi financiers, pour passer le cap de la crise. Cela, pour peu qu’elle adopte une attitude offensive et visionnaire, qu’elle opère les réformes économiques nécessaires avec rigueur, méthode et toute la volonté requise, et qu’elle les place au centre de son projet économique et politique”, a précisé l’expert dans un entretien à l’APS.
Rappelant que la situation du marché pétrolier connaissait des évolutions “atypiques” depuis une année, il a souligné la nécessité d’anticiper les évolutions probables, leur impact sur l’Algérie et d’adopter une stratégie face à la crise mondiale.
Cette stratégie se base essentiellement, selon lui, sur le développement de Sonatrach sur les plans managérial et technologique.
Sonatrach doit être également soutenue pour “augmenter sa base de réserves en Algérie (…), et construire des partenariats stratégiques internationaux pour faire des acquisitions d’actifs en profitant de la dépréciation de ceux-ci du fait de la crise économique mondiale”, recommande-t-il.
Elle doit aussi, à l’instar des compagnies pétrolières dans le monde, poursuit-il “opérer sa mue et évoluer vers une compagnie énergétique fournisseur au client final.
Il s’agit aussi, selon M.Preure, de s’engager “résolument” dans la transition énergétique avec comme facteur clé le gisement solaire important que possède l’Algérie et qui lui ouvre des perspectives “stratégiques inédites”.
Plusieurs incertitudes pèsent sur une reprise durable des prix de pétrole
Pour l’expert pétrolier, 2020 a été “cataclysmique” pour le marché pétrolier qui a subi trois chocs à la fois, à commencer par un choc d’offre, avec une offre excédentaire portée par les pétroles de schistes américains essentiellement et aggravée par la guerre des prix déclenchée le 6 mars dernier.
Ce choc d’offre, poursuit-il , est aggravé par un choc de demande qui a baissé de 20% à cause de la pandémie et enfin un choc économique déclenché par la Covid-19.
Pour 2021, il a souligné que l’incertitude est à “son maximum” quant à l’évolution des fondamentaux pétroliers eux-mêmes déterminés par l’évolution de l’économie mondiale.
“Une orientation haussière des prix pétroliers, souhaitée et encouragée par les producteurs, n’est pas à l’œuvre dans un horizon proche”, a-t-il prédit.
Pour l’expert, la pandémie n’a été que le déclencheur de cette crise économique qui déséquilibre gravement le marché pétrolier, mais elle en est désormais “le moteur”, concentrant toutes les incertitudes quant à la sortie de crise.
Il a, dans ce contexte, ajouté que les perspectives ouvertes par le vaccin anti-COVID 19 tendent à faire surréagir les marchés, portant les prix à un niveau inconnu depuis mars 2020.
Mais malgré le niveau atteint de 50 dollars le baril, il y a toujours des doutes sur les perspectives de la demande, selon l’expert.
Selon lui, “les prix ne repartiront d’une manière robuste et durable qu’avec un retour de la croissance, ce qui n’est pas envisageable dans l’immédiat, voire même pour 2021”.
A cela s’ajoute les incertitudes sur l’offre, lesquelles portent notamment sur le fait qu’une remontée des prix va faire revenir les pétroles de schiste américains sur le marché, explique M .Preure .
Elles concernent aussi la montée de la production libyenne et le retour très probable de la production iranienne.
“Si on prend en compte une remontée de la production libyenne à 1,4 Mbj au premier semestre et un retour d’au moins 1 Mbj iranien au second semestre, du fait de la levée de l’embargo par la nouvelle administration américaine, l’équilibre du marché pétrolier restera difficile à approcher en 2021 avec des prix qui fluctueront autour d’un pivot de 40 dollars, au mieux 45 dollars le baril”, a-t-il avancé.
Enfin, l’expert estime qu’en cas d’efficacité du vaccin contre le COVID 19 et sa généralisation pour contenir la pandémie, il serait raisonnable d’anticiper des effets positifs sur l’économie mondiale à partir du second semestre 2021. (APS)